Mais c’est par dégradation, par effacement. Il voudrait peut-être bien. Mais il ne peut pas. Il ne sait pas.
Tout ce que je veux retenir pour aujourd’hui, tout ce que nous pouvons retenir dans cette note c’est que Iphigénie parle, pense et sent dans le même registre qu’Agamemnon et que Clytemnestre. Et sa cruauté, cette sorte de cruauté native est encore aggravée, infiniment, de ce qu’elle a d'(apparemment) innocent, de ce qu’elle est une cruauté innocente, une cruauté de (grande) enfant. La cruauté est partout dans Racine. Elle est, elle fait le tissu même de son œuvre, la texture. Ses enfants (Eliacin) au fond sont plus cruels que ses femmes, avec l’aggravation de l’enfance, de l’apparente, de la prétendue innocence de l’enfance. Et ses femmes sont naturellement plus cruelles que ses hommes, ce qui n’est pas peu dire. Ou pour aller plus profondément peut-être, ses hommes sont femmes, ils ont tous souffert de la contamination féminine, de quelque contamination féminine. Ils sont tous dévirilisés, et c’est la cruauté féminine même que l’on retrouve en eux.
§20. — Cf. cette grande ignorance du mal de Corneille, cette grande inexpérience, cette grande incompétence, cette souveraine maladresse, notamment de la cruauté, qui est peut-être tout le mal. Ses grands criminels. Ses traîtres ne trahissent point. Ils voudraient bien. Mais ils ne savent pas. Ils ne peuvent pas. Cette grande impuissance du mal. Notamment de la cruauté. Ce manque d’invention du mal, de la cruauté ; ce manque total d’imagination. Et au contraire la terrible invention de Racine, cette terrible invention de mal, de cruauté ; cette prodigieuse imagination racinienne.