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Je ne m’attendois pas que pour le commencer,
Mon sang fût le premier que vous dussiez verser.
       Non que la peur du coup dont je suis menacée
Me fasse rappeler votre bonté passée.
Ne craignez rien : mon cœur, de votre honneur jaloux,
Ne fera point rougir un père tel que vous ;
Et si je n’avois eu que ma vie à défendre,
J’aurois su renfermer un souvenir si tendre.
Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur,
Une mère, un amant attachaient leur bonheur.
Un roi digne de vous a cru voir la journée
Qui devoit éclairer notre illustre hyménée.
Déjà sûr de mon cœur à sa flamme promis,
Il s’estimoit heureux : vous me l’aviez permis.
Il sait votre dessein ; jugez de ses alarmes.
Ma mère est devant vous, et vous voyez ses larmes.
Pardonnez aux efforts que je viens de tenter
Pour prévenir les pleurs que je leur vais coûter.

AGAMEMNON

Ma fille, il est trop vrai. J’ignore pour quel crime
La colère des Dieux demande une victime ;
Mais ils vous ont nommée. Un oracle cruel
Veut qu’ici votre sang coule sur un autel.
Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières
Mon amour n’avoit pas attendu vos prières.
Je ne vous dirai point…


Il faudrait citer tout le poème, toute la tragédie. Agamemnon, et Clytemnestre. Achille seul, qui est bête, en est moins méchant. Il n’est pour ainsi dire pas cruel.