Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mer en une strophe, en un vers, en quelques vers, tout l’espace, toute l’étendue de la conquête napoléonienne.

Chemin victorieux, prodigieux travail,
Qui de France parti pour enserrer la terre,
En passant par Moscou, Cadix, Rome et le Caire,
       Va de Jemmape à Montmirail !


n’est autre, n’est que l’essai laborieux, contourné, linéaire, pénible, plusieurs fois maladroit, qui dans le même recueil, deux ans plus tard dans Mil huit cent onze ! (10 août 1830 — août 1832) — devait éclater en ce vers d’une évocation prodigieuse ; réussie, totale, d’une grandeur égale à la grandeur de son objet :

Ce n’était pas Madrid, le Kremlin et le Phare,
[La diane au matin fredonnant sa fanfare,]

§6. — Ce qui prouve qu’un vers est toujours plus grand que plusieurs vers.

§7. — Comme aussi un mot est toujours plus grand que plusieurs mots.

§8. — Aussi je ne peux pas souffrir les personnes qui mettent plusieurs mots.

§9. — Nos enfants n’ont pas à reprendre (le fil) du même endroit, du même point que nous. Nous n’oublions que cela. C’est tout.

§10. — Nos enfants n’ont pas notre âge. Un point, c’est tout. Ils n’ont pas notre âge de l’humanité.