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couver, gagner, gagner. Trois ans, et elle allait éclater pour la sacrifîcation de nos jeunesses.

Ainsi nous ne nous aperçûmes pas que vers ce 1895 nous passâmes le point critique, c’est-à-dire que nous fûmes, que nous vînmes distants des Châtiments exactement comme les Châtiments étaient distants de Waterloo. Hugo était alors bissecteur, passa un instant bissecteur entre Napoléon et nous. Mais nous avions bien autre chose en tête, nous avions bien autre chose à faire, une folie nous dévorait, qu’à voir que nous passions par-dessus des points critiques. Deux longueurs de temps étaient égales : Napoléon à Hugo, Hugo à nous. Un déséquilibre s’établit ce jour et l’équilibre ne s’établira plus. On ne sait pas comment ça se fait, de ces deux longueurs de temps, l’une n’a plus bougé, ne bougera plus. L’autre prend un jour tous les jours. Le temps passe. La date s’arrête. Le temps passe. La date reste. La date est une inscription du temps. Dans quelques années nous serons une fois et demie plus loin de Hugo, de ce Hugo, qu’il n’était loin de ce Napoléon. Mais toute la vie nous continuerons de croire que nous touchons aux Châtiments et de savoir que les Châtiments ne touchaient pas à Waterloo. Les comptes obscurs que nous établissons inconsciemment en venant au monde pour savoir où nous en sommes, pour voir en nous-mêmes à quel moment du monde nous venons au monde, à quel moment, à quelle date nous apparaissons, nous autres à notre tour, les calculs globaux, sommaires que nous faisons sans même nous en apercevoir quand nous arrivons à l’âge de raison pour savoir où nous en sommes, comment placés nous sommes, (c’est-à-dire en somme un peu qui nous sommes), sont invincibles. Ils sont indéfaisables. Et comme dit