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tout ce que le cœur noble exige. Il n'est de parité qu’entre des pairs qui s’honorent également.

Par une hypocrisie dont rien n’approche, on a fait du nom de juif la plus cruelle injure ; et on prétend donner ce nom justement à tout Juif, quel qu’il soit, et sans lui faire injure.

Il a eu le génie de l'entretien et le génie polémique. On ne le verra jamais mieux que dans notre jeunesse et victor-marie, comte hugo. Il prouve sa vérité en se racontant lui-même. Jamais homme ne fut plus mêlé à ses écrits. C’est un directeur de conscience qui ne s’offre pas en exemple, mais qui gagne les fidèles, en leur exposant sa vie intérieure. Comme un livre secret, qu’un bon moine vous lirait feuille à feuille, déchiffrant le grimoire, dans une petite chambre, — et toute la lumière du jour tombe d’un soupirail sur le livre et le lecteur seulement, — il vous explique tous les progrès de sa pensée, tous ses détours en lui, tous ses retours, tous ses arrêts. Ouailles et disciples, il les fait passer par les propres états de sa conscience ; il les y appelle insensiblement ; et il les conquiert peu à peu, comme lui-même s’est conquis.

Sa critique est un combat pour une vérité qu’il croit tenir et pour une morale. Étant homme de foi, il tourne volontiers au théologien. C’est la foi et la force du sentiment qui animent toutes ses œuvres. On sent l’homme, on le voit dans tout ce qu’il dit. On lui pardonne ses manies, ses redites, les excès, ses erreurs même : tout en lui parle pour lui.

Son ardeur à convaincre est encore moins forte que