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à avouer que nous sommes naturellement fort loin d’en avoir épuisé les reculées profondes), (d’en avoir approfondi, épuisé le mystère). (Car ce que nous venons de faire, mes pauvres enfants, ce n’est jamais qu’une analyse et plusieurs fois nous avons senti passer le halètement de l’analyse). Je plains celui qui ne sentirait pas le coup, qui ne recevrait pas en creux le coup porté par ce poème. Entendons-nous, je ne le plains pas seulement comme critique littéraire, comme historien littéraire, comme lecteur littéraire, ce qui n’a en effet qu’une importance relative. La question est précisément non pas de savoir si, mais de savoir que ce poème ne dépasse pas seulement l’histoire de la littérature, qu’il ne dépasse pas seulement l’histoire des lettres. Il est une référence, une reportée unique du païen sur le chrétien, du plus grand païen sur le central chrétien. Je le plains comme chrétien, comme n’ayant aucunement le sens du sacré. Je suis très frappé qu’un des plus profonds chrétiens que je connaisse, un des catholiques de la plus authentique lignée, ayant cette année même à parler dans le Journal de Coutances d’un mystère qui était paru en chrétienté, et voulant en parler non point tant en critique et en historien littéraire qu’en catholique et en chrétien, ce qui est la seule façon que je reconnaisse d’en parler, ait été conduit directement à faire une référence pour ainsi dire préliminaire à ce Booz endormi. Non point une référence littéraire. Mais une référence de l’ordre du sacré. Il est vrai que je connais cet ami de vingt ans ; et que les sacrements lui sont, lui font une nourriture, (comme le pape vient si judicieusement de le rappeler) ; et non les dévotions un hébétement, un émoussement, un abru-