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raison de cette loi du dessaisissement universel de la mystique par la politique.


Un poète aussi, un poète dedans, un poète inclus peut être dessaisi par sa politique, par une ou plusieurs politiques. Par sa politique de politique. Par sa politique de littérature. Un génie peut être non pas seulement rongé, non pas seulement ravagé, mais dessaisi par un talent, par le talent qui le parasite, par le talent qui le ronge. Par le misérable talent qui le dévore. Par l’ordinaire talent qui l’accompagne. Qui l’entoure. Qui le circonvient, l’envahit et l’inonde. Par son talent ordinaire. Ce qu’il y a de plus prodigieux peut-être dans Corneille, ce qui en fait non pas seulement le plus grand (poète) tragique, mais un cas unique, c’est peut-être cette pureté unique du génie, cette incapacité totale de talent qui le faisait retomber parfaitement à plat quand le génie n’était pas là. C’est peut-être ce qu’il y a de plus beau en un sens et de plus grand dans ce plus grand de tous les tragiques. Cette incapacité, quand le génie n’y était pas, cette involonté totale, organique, cette inorganisation de savoir y faire, d’avoir un talent, d’avoir du talent, de substituer au génie les insubstituables moyens du talent.


Même dans un homme comme Hugo, politicien fini, pourri de politique, le génie se défend quelquefois. Il se défend souvent. La politique même y aide, le calcul, par un curieux aboutissement, par un curieux retour.