Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de la mystique à la politique. Or, il se trouve que sans l’Église, la religion ne dure pas : elle meurt avec le dieu qui la fonde et ses premiers fidèles, qui ne peuvent pas vivre sans lui. C'est par l’Église que la religion dure. Ainsi l’Église est la politique de la religion.

Tous les grands ordres se fondent par la mystique et durent par la politique. Faut-il durer? c’est la question.

S’il n’y avait que des saints, la politique serait inutile. Mais il y aurait alors autant d’ordres que de saints. Les fidèles sont loin de la sainteté : toutefois, ils font l’Église.

Quand un saint n’obéit pas, il est plus près de l’hérésie qu’un autre homme. Péguy ne pouvait pas être un saint : il était trop dans le siècle ; il tenait trop aux Cahiers ; il était trop père de famille. Il approchait surtout la sainteté par l’hérésie.

Enfin, Péguy ne semble pas comprendre que la politique est la fatalité même de la vie sociale. Les hommes en société sont forcés d’être politiques, plus ou moins. La mystique est le propre de la cellule et des saints.

Au fond, les saints aspirent à la fin du monde. La gloire de la cité les touche peu : ils ne sont pas citoyens. Ils ne croient pas à la justice des hommes. La passion du ciel et le rêve du paradis trompent sur l’idée que les saints se font de la terre : ils ont la joie, mais elle n’est pas ici. Un saint et son frère rient ensemble : mais tandis que son frère rit avec le saint, le saint ne rit pas avec lui. Les sages les plus sombres ne sont pas plus dépris : toutefois, ils n’ont pas de joie et ne se promettent rien.