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D’ailleurs, il trouve dans le génie même de Victor Hugo un nouvel et mémorable exemple de la mystique dessaisie par la politique, en ce monde gâté. Et sans l’oser déclarer, il abaisse Racine dessaisi devant Corneille mystique, exalté dans Polyeucte, au dessus de tous les poètes et de toutes les œuvres. « La France est cornélienne. » — « Corneille n’opère jamais que dans le royaume du salut. Racine n’opère jamais que dans le royaume de la perdition. » Selon lui, Racine tout cruauté est tout désordre. Il découvre ce que j’ai tant marqué moi-même, à savoir que l’ordonnance n’est pas l’ordre : c’est même le contraire. L’ordre véritable est intérieur. Il a sur Racine des idées très fortes, peut-être fausses, car son jugement est toujours moral et jamais d’un artiste. Au fond, avec ce qu’il dit de Racine, on ferait un classique de Victor Hugo, et de Racine un romantique.

Quand il poursuit la politique de sa colère et de ses reproches, Péguy s’indigne contre la vie, et ne le sait pas. L’indignation ne résout rien ; et la solution de Péguy est un peu bien simple.

Le conflit de la mystique et de la politique paraît fatal encore plus qu’éternel : on ne peut concilier le royaume de Dieu et les règnes de la terre, sans faire tort de tout aux uns et à l’autre. Ici, pour accorder, il faut détruire. La terre veut durer, et les hommes aussi : c’est pourquoi le royaume de Dieu est au ciel.

Ce problème est celui de toutes les religions. Le passage de la religion pure à l’Église figure la chute