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encore, il fait beau, enfin assez beau, depuis une semaine, et on rentre les blés dans de bonnes conditions. On demande seulement, quand ils vont battre, comment le bon Dieu reconnaîtra les siens.



Qui à toute requête, à toute réquisition, au premier mot, sans un mot, si je puis dire au premier silence vous récitera, vous dira des vers de Hugo, n’importe lesquels, à toute requête, tous ceux que vous voudrez. Quarante ans sont passés. N’est-il point frappant, Halévy, n’est-il point saisissant que c’est ce mot, que c’est ce nombre qui revient partout cette année, et que c’est le mot, le nombre des Châtiments, un demi-vers de l’Expiation. Ainsi quand Victor Hugo écrivait ses Châtiments, il était juste loin de Waterloo comme nous sommes loin de 70. Qui le croirait. Il y avait la même distance, de temps, le même espace, le même parcours, entre Napoléon et lui, qu’entre 70 et nous, entre Waterloo et les Châtiments, qu’entre l’Année terrible et nous. Il était, dans le temps, à la chute du premier Empire comme nous sommes à la chute du Second. Singulières erreurs, singulières tromperies de la perspective temporelle. Comme on a bien raison de le dire, que ces plaines et ces montagnes du temps sont comme les plaines et les montagnes du lieu, aussi incertaines, aussi trompeuses. Singulières perspectives. Singulières optiques. Singulières erreurs, illusions d’optique. Il y a des pays qui sont grands et qui paraissent petits. Il