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IV


Dans victor-marie, comte hugo, Péguy fait la classe ; mais comme si le bon saint Pierre, maître d’école, enseignait un peuple de soldats ; et, ma foi, quand le Père éternel prendrait place, un moment, sur les bancs, Péguy, pour ému qu’il puisse être, n’en perd pas le fil et ne s’interrompt pas.

Il parle aux grognards. Il ne tarit pas : « Nous prendrons donc nos notes, et pêle-mêle nous les alignerons ici. » Pêle-mêle ? Tant pis. Il y met beaucoup de gentillesses qui sentent le magister. Il pleut des vérités premières : il rit un peu, pour empêcher d’en rire ; mais il se sait gré de l’averse, voire du déluge, et surtout d’en tenir la clé.

La leçon sur les rimes de Victor Hugo le conduit à une leçon sur les rimes de Corneille et de Racine. Puis, de la rime il passe aux œuvres, au style et aux idées. Enfin, la leçon sur le métier de poésie tourne à la leçon sur le classique et le romantique. La préface de l’ouvrage et la conclusion sont d’un mérite infiniment supérieur à l’ouvrage même. Il s’y raconte, paysan parmi les paysans, fils de vignerons, maître d’école. Il s’adresse à un ami, avec qui, sans doute, il va rompre : plein d’une humble superbe, il lui accorde tous les avantages dont il fait fi, et se réserve toutes les prééminences réelles qui font la suprématie de l’homme, en fonction des siècles, de la terre et de la vie : voilà un rare modèle de l’impartialité, telle qu’elle règne communément entre les amis. Là encore, il oppose ce qu’on peut appeler la mystique de l’amitié à sa politique.