Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au hasard) ; des girafes ; des cochons, beaucoup de gros cochons qui font rire les peuples ; mais à présent) aujourd’hui les manèges ce sont des automobiles, d’on ne sait combien de chevaux ; des ballons, des sphériques, des sous-marins ; demain des aéroplanes ; des montagnes russes, (aussi) ; des mals de mer à la portée des bourses les plus modestes. On n’a même pas besoin d’aller à Plouescat. Des manèges à vapeur et à l’électricité. Tout battants, tout ronflants du bruit des moteurs. De ce bourdonnement, de ce ronronnement d’énorme insecte. Où est le vieux cheval aux yeux bandés qui du matin au soir tournait, tournait le manège comme pour faire monter l’eau d’un puits. Mais rassurez-vous, Halévy, il est plus facile de changer le dessus que le dessous, que le dedans. Il est heureusement plus facile de modifier les aspects que d’altérer les réalités profondes. On n’a point changé le singe avec le léopard, qui gagnent de l’argent à la foire. On ne changera point davantage la foire elle-même, ce qui fait la foire, les populations, le bon peuple qui se presse au long devant les baraques. Il marche d’un certain pas rituel, d’un certain pas de procession, d’un certain pas cérémonieux, d’un certain pas content, lent et pressé, un pas de foule, un pas de province, affecté pressé, qui sait bien qu’il arrivera toujours (où sont nos pas, nos hâtes de Paris), (un pas de foule, affecté foule, officiellement de foule ; conscient, content, se sachant, se sentant foule ; il faut bien qu’on sache qu’il y a foule à Orléans) défilant sous les auvents des petites baraques, pour les petits marchands, (aujourd’hui si gros, apparemment si cossus), s’attroupant, sérieuse et pressée, sage et s’amusant, sagement, (follement), devant les boniments, que