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nery, qu’il faut prononcer Deaunnery, avec un ō très long, un eau qui n’en finit pas, qui devant le double n résonne comme un tonnerre grave très long. Pourquoi l’un et l’autre, je ne sais pas. C’est la règle. Ces choses-là sont plus anciennes que la grille de l’octroi. J’y pensais encore, je pensais justement à vous à mon dernier voyage à Orléans, pour la Foire du Mail. Je pensais que dans ces faubourgs d’Orléans, (ils ne disent pas la banlieue, dans le pays, c’est Paris qui a une banlieue), dans ces grands faubourgs d’Orléans, dans ces communes faubourgs je connais, après vingt ans d’absence, (ou la vie d’un joueur, c’est le cas de le dire), (beaucoup plus même que vous ne pouvez le penser, beaucoup plus que vous ne pouvez le savoir), il y a peut-être bien encore quinze ou vingt maisons de paysans, vignerons, où je suis reçu comme un vieil ami, comme un déjà vieux camarade, où les vieux et les femmes me reçoivent, m’accueillent, me traitent, me causent comme un fils, où les enfants déjà vieux m’accueillent comme un frère. C’est à moi qu’on dit si les filles sont mariées, et à qui, et comment, et si elles ont déjà des enfants, (ça vient plus vite que des rentes), et si la récolte sera bonne cette année, (a n’sra pas ben bonne core c’t année). Ce qu’il y a de plus fort c’est que c’est vrai ; généralement vrai ; et que cette année pour ainsi dire c’est encore malheureusement plus particulièrement, tout singulièrement vrai. Ils n’ont littéralement rien. Ils ont été noyés d’eau. Toute journée d’eau qui vient, (et Dieu sait s’il en vient), leur enlève le peu qui leur reste. Il n’y a pas de fruits, (à vendre aux gens d’Orléans, aux gens de la ville, et surtout aux enleveurs, (c’est-à-dire aux commission-