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écrire, à qui je dois tout, à qui je dois, de qui je tiens tout ce que je suis ; Halévy votre grand mère ne gardait pas les vaches ; et elle savait lire et écrire ; je n’ajoute pas et compter. Ma grand mère aussi savait compter. Elle comptait comme on compte au marché, elle comptait de tête, par cœur. Mais je ne sais pas comment elle faisait son compte, la brave femme, c’est le cas de le dire, elle n’a jamais réussi à compter que dans les dernières décimales. Vous savez que je me suis un long temps défendu. L’homme est lâche. C’est ici, c’est en ceci que je fus traître. Et en ceci seulement. L’École Normale (la Sorbonne), le frottement des professeurs m’avaient un long temps fait espérer, ou enfin laissé espérer que moi aussi j’acquerrais, que j’obtiendrais cette élégance universitaire, la seule authentique. La seule belle venue. Vous connaissez le fond de ma pensée. Mes plus secrets espoirs ne vous ont point échappé. Les rêves de mes rêves ne vous sont point cachés. Eh bien, oui, je le dirai, j’irai jusqu’au bout. De cette confession. Puisqu’aussi bien vous le savez. Eh bien oui, moi aussi j’espérais qu’un jour j’aurais cette suprême distinction, cette finesse, cette suprême élégance d’un (Marcel) Mauss, (pas le marchand de vin), la diction, la sévère, l’impeccable, l’implacable diction, la finesse d’un Boîte-à-fiches. À cette expression, à ce lourd surnom trivial, à cette grossièreté vous reconnaissez que je ne me défends plus. Quarante ans est un âge terrible. Je me défendais aussi, d’être peuple, d’avoir l’air peuple, il faut le dire, pour une bonne raison. Il faut tout dirai même ce qui est bon. Il n’y en a pas tant. Eh bien je m’en défendais parce qu’étant peuple naturellement je n’exècre rien tant que de le faire à la populaire et ceux