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l’opinion et du joug ; les uns, en luttant davantage pour la gloire ; les autres, dans un mépris absolu du succès : tous avec foi, j’entends pour une cause belle qu’on préfère infiniment à soi.


II


Les œuvres de Péguy sont un entretien perpétuel de Péguy avec lui-même et avec ses disciples.

J’imagine un Épictète ou un Zénon chrétien, surveillant l’État et moralisant sur la République. On attend son jugement tous les matins ; et ceux qui le lisent ou l’écoutent sont ses ouailles, avec qui il rompt le pain.

Péguy est, d’abord, politique et moraliste. La vraie politique, pour lui, est la morale de la nation. Or, ce frère prêcheur, ce petit capucin qui se raconte immodérément, a la puissance oratoire d’un Bossuet. Il n’a pas besoin d’une chaire dans une cathédrale ; il ne lui faut qu’un livre ; et il enseigne tout son peuple : l’entretenant de soi, il l’entretient de lui : tel est le secret de son influence.

Il est homme de conscience, avant tout.

Il veut savoir au juste ce qu’il pense.

Parce qu’il pense bien, il veut qu’on pense comme lui. Il est plein de jugements. Ne fût-il pas homme à les exécuter, il abonde en arrêts et en sentences.

Il satisfait ainsi son besoin d’action et sa méditation, son orgueil et sa justice. Il a beaucoup de Proudhon,