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Cet égoïsme porte sur leur entendement même. Sur leur vue. Même sur leur vue politique du monde politique. Il y avait un ordre sous Méline. C’était un ordre pourri, un ordre mou, un ordre apparent, un ordre purement bourgeois. Notre collaborateur Halévy l’a très bien marqué, c’était un ordre comme sous Louis-Philippe, comme sous Guizot, comme dans les huit, dix, douze dernières années de Louis-Philippe. Un ordre de surface, (comme aujourd’hui d’ailleurs), un ordre gangrené, mortifère, mort, une chair morte, (comme aujourd’hui). De toute façon une crise venait, comme elle vient aujourd’hui.

Un ordre mortel pour la fécondité, pour les intérêts profonds, pour les intérêts durables de la race et du peuple, de la patrie.

En réalité la véritable situation des gens que nous avions devant nous était pendant longtemps non pas de dire et de croire Dreyfus coupable, mais de croire et de dire qu’innocent ou coupable on ne troublait pas, on ne bouleversait pas, on ne compromettait pas, on ne risquait pas pour un homme, pour un seul homme, la vie et le salut d’un peuple, l’énorme salut de tout un peuple. On sous-entendait : le salut temporel. Et précisément notre mystique chrétienne culminait si parfaitement, si exactement avec notre mystique française,