Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un besoin de sacrifice et jusque de martyre, peut-être, (sans doute), par un besoin de sainteté. Ce que nos adversaires n’ont pu voir que en face, de l’autre côté, de face, ce qu’ils n’ont pu recevoir que en creux, ce que nos chefs mêmes ont toujours ignoré, c’est à quel point nous marchâmes comme une armée, militaire. Comment tant d’espérance, tant d’entreprise a été brisée sans obtenir, sans effectuer une inscription historique, c’est précisément ce que j’ai essayé non pas seulement d’expliquer, mais de représenter à nos amis et à nos abonnés dans un cahier de l’année dernière sensiblement à la même date. Que si nous avons été, une fois de plus, une armée de lions conduite par des ânes, c’est alors que nous sommes demeurés, très exactement, dans la plus pure tradition française.

Nous avons été grands. Nous avons été très grands. Aujourd’hui ceux dont je parle, nous sommes des gens qui gagnons pauvrement, misérablement, miséreusement notre vie. Mais ce que je ne vois pas, ce soit que les Juifs pauvres, ici encore, se séparent de nous, qu’ils gagnent leur vie en un tour de main, qu’ils n’aient point de mal, qu’ils aient moins de mal que nous à gagner leur vie. Peut-être au contraire, car s’ils se soutiennent un peu entre eux, moins qu’on ne le croit, moins qu’on ne le dit, et quelquefois ils se combattent, et se trahissent, en revanche ils se heurtent à un antisémitisme aujourd’hui revenu, aujourd’hui croissant. Ce que je