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épreuves-ci sont elles-mêmes des guerres. Dans toutes ces grandes épreuves, dans toutes ces grandes histoires c’est beaucoup plutôt la force intérieure, la violence d’éruption qui fait la matière, historique, que ce n’est la matière qui fait et qui impose l’épreuve. Quand une grande guerre éclate, une grande révolution, cette sorte de guerre, c’est qu’un grand peuple, une grande race a besoin de sortir ; qu’elle en a assez ; notamment qu’elle en a assez de la paix. C’est toujours qu’une grande masse éprouve un violent besoin, un grand, un profond besoin, un besoin mystérieux d’un grand mouvement. Si le peuple, si la race, si la masse française eût eu envie d’une grande guerre il y a quarante ans, cette misérable, cette malheureuse guerre elle-même de 1870, si mal commencée, si mal engagée qu’elle fût, fût devenue une grande guerre, comme les autres, et en mars 1871 elle n’eût fait que commencer. Une grande histoire, je dis une grande histoire militaire comme ces guerres de la Révolution et de l’Empire ne s’explique aucunement que par ceci : un saisissement de besoin, un très profond besoin de gloire, de guerre, d’histoire qui à un moment donné saisit tout un peuple, toute une race, et lui fait faire une explosion, une éruption. Un mystérieux besoin d’une inscription. Historique. Un mystérieux besoin d’une sorte de fécondité historique. Un mystérieux besoin d’inscrire une grande histoire dans l’histoire éternelle. Toute autre explication est vaine, raisonnable, rationnelle, inféconde, irréelle. De même notre affaire Dreyfus ne peut s’expliquer que par un besoin, le même, par un besoin d’héroïsme qui saisit toute une génération, la nôtre, par un besoin de guerre, de guerre militaire, et de gloire militaire, par