j’essaie d’approfondir lui-même, entre toutes les illusions, (car elle est capitale, et d’une importance capitale), dans ma thèse de la situation faite à l’histoire dans la philosophie générale du monde moderne ; illusion qui consiste à substituer constamment au mouvement organique réel de l’événement de l’histoire, qui se meut perpétuellement du passé vers le futur en passant, en tombant perpétuellement par cette frange du présent, une sorte d’ombre dure angulaire portée à chaque instant du présent sur le passé, l’ombre du coin du mur et du coin de la maison, du pignon que nous croyons avoir sur la rue.
Quand on effectue ce report il semble en effet que le parti intellectuel a monté toute l’affaire Dreyfus. Mais quand on ne l’effectue pas on se rappelle qu’il n’a rien monté du tout. D’abord généralement en histoire on ne monte rien du tout. Ou enfin on ne monte pas tant que ça. Ce qu’il y a de plus imprévu, c’est toujours l’événement. Il suffit d’avoir un peu vécu soi-même hors des livres des historiens pour savoir, pour avoir éprouvé que tout ce qu’on monte est généralement ce qui arrive le moins, et que ce qu’on ne monte pas est généralement ce qui arrive. Sans doute il y a des préparations, mais il faut qu’elles soient générales, il n’y a guère de montages particuliers, de montages de détail. Et quand il y a des montages de détail, il faut qu’ils soient bien immédiats, presque instantanés, qu’ils précèdent de bien peu l’effet. Autrement la déconvenue s’intercale. Napoléon sans doute a bien monté Austerlitz. Mais il ne le mon-