Péguy. Il faut l’en louer. Et comme il me connaît bien. Il faut l’en récompenser. Il faut que tant de zèle soit récompensé. Comme il sait que je ne marche jamais qu’avec ceux qui me maltraitent. Qui me poussent. Qui me tirent. Qui me bourrent. Et que je ne marche jamais avec les imbéciles qui m’aimaient. Comme il connaît bien le fond, si je puis dire, de mon caractère. Il faut aussi, il faut bien que tant de perspicacité soit récompensée. Il me connaît si bien. Il me connaît comme moi-même. Il sait que quand quelqu’un m’aime et me sert, le sot, me prodigue les preuves les plus incontestables de l’amitié la plus dévouée, du dévouement le plus absolu, aussitôt je sens s’élever dans ce qui me sert de cœur d’abord un commencement, un mépris invincible pour cet imbécile. Faut-il qu’il soit bête en effet, d’aimer un ingrat comme moi, de s’attacher à un ingrat comme moi. Comme je le méprise, ce garçon. En outre, en deuxième, ensemble, en même temps un sentiment de jalousie, de la haine envieuse la plus basse contre un homme qui est capable de concevoir les sentiments de l’amitié. Enfin un tas d’autres beaux sentiments, fleurs de boue, plantes de vase, qui poussent dans la boue politique comme une bénédiction de défense républicaine. Hervé sait si bien tout cela que je l’admire moi-même. Comme il connaît bien ma psychologie, si vous permettez. Et qu’au contraire quand je reçois un bon coup de pied dans le derrière, je me retourne instantanément avec un sentiment de respect profond, avec un respect inné pour ce pied, pour ce coup, pour la jambe qui est au bout du pied, pour l’homme qui est au bout de la jambe ; et même pour mon derrière, qui me vaut cet honneur. Un bon
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