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un traître militaire, Dreyfus a eu les plus grands torts de ne le point être. Et on le défendrait précisément d’avoir fait ce qu’il faut faire. On dirait : Il n’a pas trahi. Il a eu tort, car il faut trahir. Aussi nous le défendons. Ce serait, ce ferait un retournement de politesse bien acrobatique, une galanterie bien française, un retournement diagonal, diamétral de politesse. Une opération bien suspecte. Ces gens ne nous avaient point habitués à ces gageures de politesse. Tant de politesse devient extrêmement suspecte. Dans le raisonnement hervéiste en effet, s’il est permis de le nommer ainsi, Dreyfus, tant qu’il ne trahit pas, est un bien grand coupable. Il est un grand criminel. D’autant plus criminel et d’autant plus coupable qu’il était mieux situé, militairement, qu’il avait une admirable situation pour trahir. Militairement. Hervé, lui, n’avait pas cet honneur, il n’avait pas ce bonheur d’avoir, de pouvoir avoir à sa disposition les graphiques des chemins de fer. Comment, voilà un homme, Dreyfus, qui pouvait avoir en main les graphiques des chemins de fer et il ne les aurait pas instantanément sabotés. Quel être. Il ne faut pas oublier que Hervé est un monsieur qui le premier jour de la mobilisation, plus précisément dans la première heure du premier jour, c’est-à-dire, je pense, de minuit 01 à 1 heure 00 fusillera les cinq cent trente-sept mille hommes de l’armée (française) active ; plus les treize cent cinquante-sept mille hommes de la réserve de l’armée active, qui forment avec elle le premier ban ; puis les cinq cent soixante-seize mille hommes de l’armée territoriale ; puis les sept cent cinquante et un mille hommes de la réserve de l’armée territoriale, qui forment avec