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des autres citoyens, des autres électeurs, des autres contribuables, et qui fort ingénieusement ont préalablement fait inscrire sur le Grand Livre de la Dette Publique les assurances d’ailleurs modestes de leur pain quotidien, ainsi armés quelques-uns de ces contemporains catholiques, devant une soudaine révélation de l’antique, de la vieille, de la chrétienté ancienne se hâtent de pousser quelques cris, comme de pudeur outragée. Dans un besoin ils renieraient Joinville, comme trop grossier, comme trop peuple. Le sire de Joinville. Ils renieraient peut-être bien saint Louis. Comme trop roi de France.

Il faut faire les frais temporels. C’est-à-dire que nul, fût-ce l’Église, fût-ce n’importe quelle puissance spirituelle, ne s’en tirera à moins d’une révolution temporelle, d’une révolution économique, d’une révolution sociale. D’une révolution industrielle. À moins de payer cela. Pour ne pas payer, pour ne pas les faire un singulier concert s’est accordé, une singulière collusion s’est instituée, s’est jouée, se joue entre l’Église et le parti intellectuel. Ce serait même amusant, ce serait risible si ce n’était aussi profondément triste. Ce concert, cette collusion consiste à décaler, à déplacer le débat, le terrain même du débat. L’objet du débat. À dissimuler dans un coin le modernisme du cœur, le modernisme de la charité pour mettre en valeur, en fausse valeur, en lumière, en fausse lumière, pour mettre en surface, en vue, dans toute la surface le modernisme intellectuel, l’appareil du modernisme intellectuel, le solennel, le glorieux appareil. Ainsi tout le monde y gagne, car ça ne coûte plus rien, ça ne