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de notre mystique, la déformant, la dégradant aussitôt, la détournant instantanément en politique nos politiciens, Jaurès en tête, Jaurès le premier, créèrent cette double illusion, politique, premièrement que le dreyfusisme était antichrétien, deuxièmement qu’il était antifrançais. Il faut s’arrêter quelques instants à la deuxième.

Notre socialisme même, notre socialisme antécédent, à peine ai-je besoin de le dire, n’était nullement antifrançais, nullement antipatriote, nullement antinational. Il était essentiellement et rigoureusement, exactement international. Théoriquement il n’était nullement antinationaliste. Il était exactement internationaliste. Loin d’atténuer, loin d’effacer le peuple, au contraire il l’exaltait, il l’assainissait. Loin d’affaiblir, ou d’atténuer, loin d’effacer la nation, au contraire il l’exaltait, il l’assainissait. Notre thèse était au contraire, et elle est encore, que c’est au contraire la bourgeoisie, le bourgeoisisme, le capitalisme bourgeois, le sabotage capitaliste et bourgeois qui oblitère la nation et le peuple. Il faut bien penser qu’il n’y avait rien de commun entre le socialisme d’alors, notre socialisme, et ce que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom. Ici encore la politique a fait son œuvre, et nulle part autant qu’ici la politique n’a défait, dénaturé la mystique. La politique, je dis la politique des politiques, professionnels, des politiciens, des politiques parlementaires. Mais plus encore, sans aucun doute, par l’invention, par l’intervention, par l’intercalation du sabotage, qui est une invention politique, au même titre que le vote, plus