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une singulière complicité de compétence spirituelle au besoin avec le pape.

Jamais je n’ai vu un homme je ne dis pas croire, je dis savoir à ce point je ne dis pas seulement qu’une conscience est au-dessus de toutes les juridictions mais qu’elle est, qu’elle exerce elle-même dans la réalité une juridiction, qu’elle est la suprême juridiction, la seule.

Si on l’avait suivi, si on avait au moins suivi son enseignement et son exemple, si on avait continué dans son sens, si on avait seulement suivi le respect que l’on devait à sa mémoire, aujourd’hui la révision même du procès Dreyfus ne serait pas en danger, comme elle l’est. Elle ne serait pas exposée, comme elle l’est.

Aussi nous avons vu son enterrement. Je dirai quel fut son enterrement. Qui nous étions, combien peu dans ce cortège, dans ce convoi, dans cet accompagnement fidèle gris descendant et passant dans Paris. En pleines vacances. Dans ce mois d’août ou plutôt dans ce commencement de mois de septembre. Quelques-uns, les mêmes forcenés, les mêmes fanatiques, Juifs et chrétiens, quelques Juifs riches, très rares, quelques chrétiens riches, très rares, des Juifs et des chrétiens pauvres et misérables, eux-mêmes en assez petit nombre. Une petite troupe en somme, une très petite troupe. Comme une espèce de compagnie réduite qui traversait Paris. De misérables Juifs étrangers, je veux dire étrangers à la nationalité française, car il n’était pas un Juif roumain,