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aussi doucement, aussi savamment, aussi horizontalement pour ainsi dire. Je n’ai jamais vu une puissance spirituelle, quelqu’un qui se sent, qui se sait une puissance spirituelle garder aussi intérieurement pour ainsi dire des distances horizontales aussi méprisantes envers les puissances temporelles. Et donc il avait une affection secrète, une amitié, une affinité profonde avec les autres puissances spirituelles, même avec les catholiques, qu’il combattait délibérément. Mais il ne voulait les combattre que par des armes spirituelles dans des batailles spirituelles. Sa profonde opposition intérieure et manifestée au waldeckisme même venait ainsi de deux origines. Premièrement, par une sorte d’équilibre, de balancement, d’équité, d’égalité, de justice, de santé politiques, de répartition équitable il ne voulait pas qu’on fît aux autres ce que les autres vous avaient fait, mais qu’on ne voulait pas qu’ils vous fissent. Les cléricaux nous ont embêtés pendant des années, disait-il, et plus énergiquement encore, il ne s’agit pas à présent d’embêter les catholiques. On n’a jamais vu un Juif aussi peu partisan, aussi peu pensant, aussi peu concevant du talion. Il ne voulait pas rendre précisément le bien pour le mal, mais très certainement le juste pour l’injuste. Il avait aussi cette idée que vraiment ça n’était pas malin, qu’il ne fallait guère se sentir fort pour avoir recours à de telles forces. Or il se sentait fort. Qu’il ne fallait guère avoir confiance en soi. Or il avait confiance en soi. Comme tous les véritables forts. Comme tous les véritables forts il n’aimait point employer des armes faciles, avoir des succès faciles, des succès diminués, dégradés, des succès qui ne fussent point du même ordre de grandeur que les combats qu’il voulait soutenir.