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Moi-même si depuis bientôt quinze ans (en comptant tout) mal doué de ressources, mal doué de forces de tout ordre, mal doué de talents, à travers des difficultés de toutes sortes, à travers des traverses sans nombre j’ai pu tenir le coup, si j’ai pu continuer cette œuvre, persévérer dans cette œuvre, dans cette opération incessante, c’est certainement que je suis attaché à ces cahiers, à cette institution, à cette œuvre d’un attachement, d’une liaison qui est de l’ordre mystique.

Je le disais précisément à Isaac pendant les vacances de Pâques. Nous déjeunions ensemble, une fois par an. Je lui disais : Vous croyez, vous dites que nous sommes purs, que nous avons les mains pures. Vous le croyez, vous le dites. Mais vous ne savez pas ce que vous dites. Vous ne pouvez pas mesurer ce que vous croyez. Il faut vivre à Paris, dans ce que l’on a fait de la République, pour savoir, pour mesurer ce que c’est que d’être pur.

J’ai la certitude en effet que nos amis de province nous font confiance. Mais ils ne peuvent pas savoir, ils ne peuvent pas soupçonner de quoi ils nous font confiance, quelle est la matière, le terrain de la confiance qu’ils nous font.

L’affaire Dreyfus fut un recoupement, une culmination de trois mystiques au moins. Premièrement elle fut sur le chemin de la mystique hébraïque. Pourquoi le nier. Ce serait le contraire au contraire qui serait suspect.