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La valeur de la souffrance n’a pas diminué. La valeur de l’effort à faire n’a pas diminué ; comme les catholiques sérieux sont préoccupés surtout du salut, nous devons nous préoccuper surtout d’arracher les misérables à la misère ; l’effort par lequel nous devons arracher les misérables à la misère n’est pas du même ordre, ne reçoit pas la même mesure que l’effort par lequel nous devons ou nous pouvons devoir égaliser les situations de fortune ; les catholiques sérieux emploient une quantité donnée de prières à multiplier les saints individuels et non pas à faire monter en grade, pour ainsi dire, certains élus ; nous devons employer une certaine quantité d’action à sauver de la misère le plus grand nombre de citoyens que nous pouvons, et non pas à faire monter en grade économique certains pauvres ; une quantité donnée d’action sociale, une dépense économique donnée peut assurer le salut économique de beaucoup ; la même quantité de dépense ne ferait que plusieurs demi-riches ; avec cent mille francs bien administrés on peut organiser, émanciper un assez grand nombre de travailleurs ; avec cent mille francs bien administrés on ne peut faire qu’un tout petit rentier ; un modeste accroissement fait passer de la misère à la pauvreté ; il faut un grand accroissement pour monter de la pauvreté à la richesse ; ainsi le plus important est ce qui demande le moins ; le plus important est de faire passer au plus de citoyens que l’on peut la limite fatale ; et ce qui revient le moins cher, à beaucoup près, est en effet de faire passer cette limite ; un léger accroissement de budget y suffit presque toujours ; à ne considérer que la quantité, il y a beaucoup moins de distance entre la misère d’où l’on