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pendant que l’on persécute le catholicisme ; secondement on lui demande une feinte ; on lui demande, étant misérable, de faire comme s’il ne l’était pas ; et troisièmement on lui demande une impossibilité ; le misérable ne peut pas s’abstraire de la misère ; tout en est teinté ; non seulement tous ses sentiments, mais toute sa connaissance ; vue à travers la misère, toute l’humanité est misérable ; peut-être est-elle misérable de partout, pourvu qu’on la regarde bien ; quand le misérable se demande s’il est bien vrai, s’il est bien assuré que l’humanité marche infailliblement vers une ère définitive d’un bonheur perpétuel, quand il se demande si cet ajournement perpétuel n’est pas une imitation de l’ajournement catholique éternel, quand il se demande si on ne le renvoie pas au Paradis terrestre pour se débarrasser de lui, comme les catholiques le renvoyaient au Paradis céleste, avec cette aggravation qu’il ne jouira pas personnellement de cette béatitude ; quand il se demande si les optimistes sont niais ou fourbes, quand il note que les optimistes ont toujours soin de commencer par se percher dans les situations qui sont les plus éloignées de la misère, quand il croit que l’humanité est mauvaise, qui l’en blâmerait, connaissant la misère et connaissant l’humanité ?

Chacun de nous est au centre du monde pour la connaissance, pour la présentation qu’il en a ; Jean Coste ne voit pas le monde comme un député radical-socialiste ; il a ses raisons pour cela ; croyons que réciproquement un député radical-socialiste a ses raisons pour ne pas voir le monde comme un Jean Coste ; quand on veut que Jean Coste voie le monde en beau, comme on dit grossièrement, on veut qu’il ne soit plus Jean Coste,