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à la critique de : Marius-Ary Leblond, les Vies parallèles :

« Dans leur lettre liminaire à M. Léon Bourgeois, MM. Leblond prennent non sans fougue la défense du néologisme. Ils n’avaient pas besoin de se justifier et je n’ai, dans leur livre, relevé nul excès de mots nouveaux. Mais leur thèse appelle des objections, qui ne sont pas spéciales aux seuls « puristes ». Sans même rappeler que notre langue se révèle plus riche à mesure qu’on en use davantage, il faut avouer que le néologisme détourne de l’analyse, et ne favorise que des synthèses un peu grosses. Donner un nom spécial à chaque sentiment, dispense de le distinguer par des nuances fines et sans cesse changeantes. Il ne vit plus, le voilà classé, épinglé, empaillé pour toujours. La science a besoin de néologismes ; c’est qu’à chacun de ses progrès elle pose une loi, un rapport fixe, que dès lors elle a le droit de désigner, sans le définir. En art, — surtout quand il s’agit de décrire des sentiments, — la sobriété du vocabulaire et la souplesse de la syntaxe laissent mieux voir le retour des mêmes éléments simples sous des formes variées. C’est d’ailleurs question de mesure, qu’on ne peut trancher d’un mot. »

Tout le monde regrettera que l’auteur de ces deux paragraphes ne forme pas le ferme propos d’œuvrer lui-même ; ces deux paragraphes ont une importance capitale, chacun pour ce qu’il veut être ; la lecture du premier serait de la plus grande importance pour M. François Daveillans, de la revue blanche ; la lecture du deuxième serait d’une grande utilité pour M. François Simiand, et pour un assez grand nombre de sociologues ; il y a dans ce bref paragraphe, indiquées seule-