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qu’un homme averti de notre génération, soucieux des immenses problèmes renaissants, ne peut plus avoir.

[Aujourd’hui même je lis dans la revue blanche du premier novembre ce paragraphe de M. Michel Arnauld, critiquant le livre de M. Barrès : Scènes et Doctrines du Nationalisme. C’est le paragraphe de conclusion du critique :

« Ce n’est pas sur cette impression que je veux finir, mais en citant un beau passage d’une lettre que le très libéral Ernest Havet écrivit, le 23 août 1880, au très catholique Barbey d’Aurevilly… : « Je ne veux pas que vous me soupçonniez de la sottise de vous réduire à ce qu’on appelle le style. Le style et la pensée, c’est tout un ; c’est donc bien dans la pensée qu’est votre force. Mais la pensée n’est pas la même chose que la thèse ; sans quoi, étant donnés par exemple Bossuet et Voltaire, l’un des deux ne serait nécessairement qu’un imbécile. Une thèse erronée peut être une occasion de penser très fortement et de répandre des vérités à pleines mains ; et c’est précisément ce que vous faites et ce qu’ont fait aussi vos grands hommes. Comme eux, à mon avis, vous êtes à la fois puissant et impressionnant. Vous ne viendrez pas à bout de nous faire monarchiques et catholiques, mais vous réussissez supérieurement à nous faire sentir que, quand on a dit qu’on ne l’est plus, tout n’est pas dit et qu’on n’a pas trouvé pour cela la solution de tous les problèmes ni le remède à tous les maux. » Non, tout n’est pas dit, quand on a dit qu’on n’est pas nationaliste ; et même sans Barrès, nous nous en doutions un peu. »

Je lis du même dans le même ce dernier paragraphe