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Purgatoire ; la Présence commencera dès lors, pour l’éternité ; cette ouverture suffit pour que le purgatoire devienne, à cet égard, totalement étranger à l’enfer ; il suffit qu’une lueur de certitude éclaire ; deux séjours de peines, l’enfer et le purgatoire, peuvent sembler analogues ou de même ordre à une observation superficielle, parce qu’ils sont deux séjours de peines, et de peines analogues ; mais il suffit que dans ces peines analogues une certitude de vie ait pénétré en purgatoire et qu’une certitude de mort domine en enfer pour que le purgatoire et l’enfer ne soient pas du même ordre ; l’enfer est hors de la communion ; le purgatoire est dans la communion ; l’Église souffrante, après l’Église militante, avant l’Église triomphante, est de la communion ; le purgatoire est de la vie ; l’enfer est de la mort.

L’enfer est de la mort éternelle. Or quand nous parlons de l’enfer social ou de l’enfer économique les hommes de littérature, les hommes de gouvernement, les députés, les journalistes, les perpétuels candidats peuvent croire sincèrement, autant qu’ils peuvent être sincères, que nous employons avec eux une métaphore théâtrale, romantique, outrée, commode, inexacte, électorale pour tout dire ; c’est ainsi en effet qu’insoucieux ou ignorants de la réalité ils emploient la même expression ; ils disent un enfer social comme ils disent du concurrent qu’il est un immonde apostat : ces mots n’ont pas de conséquence ; mais ce ne serait pas la première fois qu’une expression profondément populaire serait détournée par les politiciens de son sens profond et plein, utilisée d’une utilisation fade et vide ; ici encore le langage exact, le sens profond appartient au peuple