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aux pauvres presque autant que l’argent des riches ; les pauvres qui sortent de l’égoïsme et de la misère, au lieu d’acquérir directement une solidarité de classe, commencent par se donner un orgueil de parti, une affectation de grandeur, un goût bourgeois de la cérémonie et de la représentation.

À ces aberrations des pauvres et des riches nous savons qu’il y a des exceptions nombreuses ; nous savons qu’elles sont beaucoup plus nombreuses pour les pauvres que pour les riches ; nous sommes ici mieux situés que partout ailleurs pour estimer à leur valeur juste les dévouements anonymes de quelques riches et de pauvres nombreux ; nous reviendrons sur cette répartition ; mais ce que je veux indiquer dès aujourd’hui, c’est que dans les partis et dans les compagnies républicaines, socialistes, révolutionnaires, anarchistes, laïques, et parmi les individus correspondants, sous les mêmes étiquettes, sous les mêmes aspects, deux genres d’hommes coexistent, et cohabitent : les uns soucieux de travail, et que nous devons nommer les classiques, les autres, préoccupés de représentation, et que je suis bien forcé de nommer les romantiques ; ces deux genres d’hommes s’interpénètrent partout ; et partout depuis le commencement du mouvement révolutionnaire les classiques sont gouvernés par les romantiques ; ceux qui travaillent sont gouvernés par ceux qui représentent ; l’introduction du gouvernement parlementaire parmi nous, je ne dis pas avec tous ses abus, mais je dis : de préférence par ses abus, sous ses formes d’abus, n’est qu’une introduction particulière de ce gouvernement général, et sauf de rares et d’honorables exceptions, les travailleurs