Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tenus, c’est cela seulement que nous pouvons devoir. Et donc c’est cela seulement que nous pouvons et devons continuer.

Évitons jusqu’à ces formes un peu solennelles et jusqu’à ces formules de testament, évitons bonnement tout cela dans un cahier où je conte une histoire dont un des mérites est précisément qu’elle supprime tout testament entre l’heure présente et l’éternité prête ; quand un peuple de culture est menacé d’une invasion militaire par un peuple barbare, ou par un gouvernement barbare qui a toujours fait marcher son peuple, quand un peuple libre est, dans ces conditions au moins, menacé d’une invasion militaire par un peuple de servitude, le peuple de culture, le peuple libre n’a qu’à préparer parfaitement sa mobilisation militaire nationale, et sa mobilisation une fois préparée, il n’a qu’à continuer le plus tranquillement du monde, le plus aisément et de son mieux son existence de culture et de liberté ; toute altération de cette existence par l’introduction de quelque élément de peur, d’appréhension, ou même d’attente, serait déjà une réussite, un essai, un commencement de cette invasion, militaire, barbare et de servitude, littéralement une défaite, littéralement une conquête, une entrée dedans, puisque ce serait un commencement de barbarie et un commencement de servitude, la plus dangereuse des invasions, l’invasion qui entre en dedans, l’invasion de la vie intérieure, infiniment plus dangereuse pour un peuple qu’une invasion, qu’une occupation territoriale.

Pareillement un simple citoyen, quand il a mis prête et quand il tient prête sa petite mobilisation individuelle, il n’a plus qu’à continuer de son mieux son petit