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morale, que l’action, que l’idée, que la race, que la sainteté même et la charité, que la vie, l’intérieur et la profondeur, que le mouvement et la réalité demeure humainement et absolument morale.

Français, héritier de nos pères, à celui qui fit les guerres d’Allemagne, à tant de Français qui firent la guerre et qui plusieurs fois combattirent et chacun une fois moururent pour la liberté du monde nous demanderons cette forme de courage si particulière et si éminente que l’historien sera contraint de nommer le courage français, ce courage essentiellement fait de calme et de clarté, de non épatement, ce courage classique, essentiellement fait de non romantisme.

J’étais alors en Allemagne, où l’occasion des guerres qui n’y sont pas encore finies m’avait appelé ; et, comme je retournais du couronnement de l’empereur vers l’armée, le commencement de l’hiver m’arrêta en un quartier où, ne trouvant aucune conversation qui me divertît, et n’ayant d’ailleurs, par bonheur, aucuns soins ni passions qui me troublassent, je demeurais tout le jour enfermé seul dans un poêle, où j’avais tout le loisir de m’entretenir de mes pensées.

Ce courage qui ne consiste ni à ignorer ni à mépriser, — mépriser, c’est-à-dire ne pas tenir compte du prix, mal estimer le prix, — mais à savoir très exactement, et très exactement à n’avoir point peur et à continuer très exactement. Et à cette seule fin que nous ne soyons pas exposés à la tentation de l’orgueil national, ce n’est point dans la vie d’un Français que nous trouverons un symbole éminent et parfait de ce courage français, mais c’est dans la vie d’un saint qui avait, je pense, plus de l’Allemand ou de l’Italien du Nord et