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jours passés, particulièrement chers, particulièrement élus, nous poussant à recommencer les exercices, quelques, certains exercices de nos premiers apprentissages. Vainement. Je me suis aperçu, à l’essai, que ma main de barbare était redevenue lourde. Ma lecture même était redevenue lourde. Et regardant les deux feuilles tirées de ce cahier je m’aperçois, trop tard, que page 49 j’ai laissé passer Δίος accentué sur le ί, au lieu de Διός, comme si ce n’était pas une hérésie de ne pas accentuer sur la finale un génitif ou un datif de nominatif monosyllabique. Enfin consolons-nous sur ce que le dictionnaire donne Δίος en éolien. Phénomène singulier, le sens était demeuré beaucoup plus entier dans ma mémoire, beaucoup plus intact et beaucoup plus frais, comme s’il fût antérieur au texte et en nous encore plus profond. L’enseignement de culture que nous avons reçu dans certaines écoles se perd vite aux grossièretés de la vie moderne. J’ai copié d’une main gauche. Tout uniment, trop tranquillement, trop innocemment j’ai copié dans ma vieille édition scolaire, dans mon vieux Tournier des familles. Cela doit être très mal porté, aujourd’hui, de copier un texte grec dans une édition de Tournier, On a dû inventer, depuis, des éditions beaucoup plus savantes. Le temps n’est plus, le temps ne reviendra jamais où nous faisions pour nos bons maîtres, en thèmes, ces admirables manuscriptions moulées du grec. Ce grec de nos thèmes n’était pas toujours du bon grec. Et quelquefois même il n’était pas du grec du tout. C’est du moins ce que disaient nos maîtres, et ensuite ce qu’ils écrivaient sous forme de notes quelquefois sévères. Ils avaient évidemment raison. Et quand même ils n’auraient pas eu raison, ils