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ce peuple soit en état de révolution. Ce qui fait une révolution, ce n’est ni seulement la force, ni l’étendue, ni les effets, ni surtout ce n’est point cette violence, et enfin ce n’est point cet état de révolte, permanente, générale, généralisée. Ce qui fait une révolution, ce qui fait la révolution, c’est un certain rythme, propre, c’est un certain sens, une certaine forme, une certaine nature, un certain mouvement, une certaine vie, une certaine âme, un certain caractère, un certain style, parce que le style est de l’homme même.

On ne peut donner le nom de mouvement révolutionnaire à cet immense mouvement de balancier, d’aller et de retour ; un mouvement révolutionnaire est essentiellement au contraire un mouvement qui n’attend pas, — qui n’attend pas la réponse, le retour du balancier, le contre-coup de l’événement, — qui va toujours au-devant, au contraire, toujours de l’avant, qui attaque toujours.

Je ne puis nommer mouvement révolutionnaire un mouvement qui ne marche au contraire qu’autant qu’il reçoit des excitations de la réaction ennemie. Un mouvement révolutionnaire est un mouvement qui prend en soi son point d’appui, qui part de soi-même et rejaillit de soi, qui attaque toujours, qui tient une perpétuelle offensive, qui altère délibérément, qui change. La réalité. Au contraire il est évident que les Russes ne se révoltent, ne marchent, ne changent qu’à mesure que et dans la mesure où c’est la réaction elle-même et la conservation qui les y contraint. Il ne faut point dire que la révolution russe est comme ces pèlerins qui se rendaient à Jérusalem en faisant trois pas en avant et deux pas et demi en arrière ; mais il faut dire que le mouve-