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parle pas seulement de cette ressemblance, de ce parallélisme des détails, soudainement révélé. Je n’invoque pas seulement cette évocation lointaine, soudaine révélation, cette ressemblance, presque effrayante, de certains mots, de certaines phrases, qui en fait comme une survivance et plus encore comme une revivance, comme une résurrection : Deux routes seulement s’offrent à nous ; Voilà ce qui est devant nous, Sire, et c’est ce qui nous a rassemblés près des murs de ton palais ; Mais si tu ne l’ordonnes pas, si tu ne réponds pas à nos prières, nous mourrons sur cette place même, devant ton palais. Je n’invoque pas seulement cette effrayante ressemblance des détails, cet effrayant parallélisme qui se forme en je ne sais quelle forme de réminiscence platonicienne, j’invoque toute la ressemblance, tout le parallélisme de l’âme même, des situations, des attitudes physiques, mentales, sentimentales.

Tout ce qu’on nomme improprement le mouvement russe révolutionnaire est une immense et perpétuelle oscillation, une vibration immense, un mouvement double, d’aller et de retour incessant : mouvement d’aller de la supplication montant des misérables aux apparemment heureux, aux puissants ; mouvement de retour de la réaction, de la répression, de la barbarie des puissants aux misérables.

Et il y a aussi, doublant le premier, un immense mouvement de supplication des populations, des éléments moins intellectuels aux éléments plus intellectuels, aux éléments proprement intellectuels, parce que pour ces peuples grossiers l’intellectualisme est encore une puissance, et un bonheur ; et, en retour, des mou-