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d’élévation ; car nous devons dans ces recherches poussées dans le monde antique réserver soigneusement les expressions chrétiennes, le langage chrétien. Parlons de ce qui était tout pour ce peuple civique : d’une mutation civique, d’une promotion, d’un nouveau droit de cité. La promotion du malheur est véritablement pour eux une promotion. Le malheur, défini techniquement comme la non-réussite de l’événement, confère vraiment dans leur esprit, dans leur statut, un droit de cité singulier, un droit de cité supérieur, un droit d’entrée comme citoyen dans une singulière cité supérieure. C’est ce qui fait la valeur unique, éminente, singulière, d’Œdipe-roi parmi toutes les œuvres antiques. Œdipe-roi est essentiellement, éminemment l’histoire d’une promotion, (ne disons point d’une élection). C’est pour cela qu’Œdipe-roi n’est pas seulement une des premières parmi les œuvres antiques, mais qu’elle ramasse, qu’elle concentre en soi, — comme un symbole éminent, comme une réalité éminente représentant toute la réalité antique, — tout le problème antique du malheur faisant promotion. Œdipe est un promu, (ne disons point un élu) ; un homme qui au commencement de la tragédie était un homme comme nous, un roi, un homme ordinaire et vulgaire, et par le ministère du malheur, par la non-réussite de son événement, plus particulièrement, plus tragiquement, plus scéniquement par la découverte de cette non-réussite, tout au courant, à l’événement, au développement de cette tragédie voilà qu’il est non seulement promu, mais découvert promu à la dignité de suppliant. Il avait commencé, il commençait comme un simple roi. Il continue par une mutation, par une promotion. Il monte. Il monte. Il achève comme suppliant. Œdipe-roi