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rien. Il a, lui, derrière lui, tout l’Olympe, et ce qui domine l’Olympe même. Il représente tout un monde de dieux, et même il représente ce qui ensevelira les dieux mêmes.

Il représente la misère, le malheur, toute infortune, la maladie, la mort, la fatalité, qui frappera les dieux mêmes.

Dans toute supplication antique, c’est le suppliant qui est le maître, c’est le suppliant qui domine. Veuillez bien noter qu’on peut lui refuser ce qu’il demande. Si l’autre veut aggraver son cas, libre à lui. Mais c’est lui, le suppliant, l’homme plié aux pieds de l’autre, qui domine, la supplication, l’opération, le commerce de la supplication ; c’est lui qui est le maître, qui parle un grand langage, un langage maître et venu de loin, venu de tout à fait ailleurs.

Notez que l’autre peut l’éconduire, le forclore, le maltraiter : tant pis pour l’autre. L’autre a un palais, un foyer, des servantes. Il peut repousser le suppliant au hasard des routes. Tant pis pour lui, l’autre.

Dans la supplication antique, c’est le suppliant qui est le roi de la supplication. Qu’on recoure aux textes. Qu’on rappelle ce ton, ces expressions, ce ton vraiment souverain. Ils sont tous des ambassadeurs. Et les ambassadeurs d’un grand roi.

Qu’on rappelle ce ton de noblesse et de fermeté, ce ton digne et comme éloigné, lointain, ce ton antérieur. Ce sont eux qui parlent du plus haut. Et ce sont eux qui parlent du plus loin. Ils savent des savoirs que l’autre ne saura jamais. À moins d’avoir passé, lui aussi, par la même grande et inremplaçable épreuve.

Ne parlons point d’ascension ; ne parlons pas même