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lui ont donné ce bien que nul bien ne saurait remplacer, les dieux lui ont donné ce premier des biens : qu’il est devenu un représentant des dieux.

Nulle idée de compensation, ni même de justice ; une telle idée serait une idée chrétienne, au moins une idée relativement récente, en un certain sens une idée moderne ; bien entendu nulle idée d’antithèse romantique. Mais une idée beaucoup plus profonde, un sentiment beaucoup plus profond et beaucoup plus vrai, autant qu’il est permis de se reconnaître un peu dans ces sentiments mystérieux, profonds, vrais, un sentiment de vie, d’art et d’œuvre : que ces hommes ont fait leur preuve qu’ils étaient des hommes plastiques aux doigts statuaires de la fatalité.

Les dieux, la fatalité se sont faits ses père et mère ; il est devenu, orphelin, le fils et le représentant des dieux subfatalisés. Mais c’est qu’en effet pour les anciens, pour les Grecs, par une deuxième génération, par un deuxième enfantement, il est réellement devenu comme un fils des dieux.

Il a suffi pour cela qu’il fût en leurs doigts une matière plastique, et qui a fait ses preuves de plasticité. Il est devenu leur fils comme la statue est née du statuaire. Avec cet accroissement, avec cette élévation que le statuaire est dieu, plus que dieu, fatal.

Ne parlons point de création, de deuxième création, de recréation, car nous devons soigneusement réserver les expressions chrétiennes, le langage chrétien. Parlons de ce qui était tout pour ce peuple de fécondité : d’un deuxième enfantement. Parlons de ce qui était tout pour ce peuple d’art : d’un enfantement d’art. Les dieux subfataliers l’aiment de cet amour qui pour ce peuple