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vant son exemple je me suis permis, restituant un mot grec, une épithète grecque, de donner à cette brève étude ce titre : les suppliants parallèles.

Les suppliants : c’est le propre du poète, c’est un don de poète que de saisir d’un mot, que de ramasser en un mot toute la réalité d’un événement, la réalité profondément essentielle d’une histoire, d’un mouvement, d’un geste individuel ou collectif. Pour qui veut bien regarder à la réalité d’un événement, et non point s’arrêter aux apparences politiciennes, cette immense manifestation du 22 janvier était en effet une supplication immense, et non point une immense tentative de mouvement révolutionnaire. Et dans toute l’attitude, dans tout le geste, dans toute la lente opération de cet immense peuple, ou plutôt de tous ces immenses peuples, tout homme qui regardera aux réalités des événements politiques et sociaux verra une immense, une infinie supplication, une infinie opération suppliante, et non point une opération révolutionnaire.

Ce sont nos Français qui font des opérations révolutionnaires, et qui par suite s’imaginent que les autres peuples font des opérations révolutionnaires ; aussi ; car ils jugent tous les autres peuples d’après soi. Mais seuls ils font, ou du moins ils faisaient, des opérations politiques et sociales vraiment révolutionnaires, c’est-à-dire qu’ils commencent par démolir un régime et par en mettre un autre, plus ou moins nouveau, à la place, quitte à s’apercevoir le lendemain que le nouveau ne valait pas mieux que le vieux, si même il valait le vieux.

C’est pour cela que nos Français n’entendent générale-