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De la fiche que l’on m’envoie il résulterait que dans la grande édition Lemerre on pourrait lire :

Si mon berceau flottant sur la Thétis antique…

Or les dictionnaires donnent : θέτις, en transcription Thétis, femme de Pelée, mère d’Achille, divinité de la mer, et ΤηΘίς, en transcription Téthys, femme d’Okéanos, nourrice d’Hèra : c’est cette dernière, Tèthys, que les poètes invoquent lorsqu’ils veulent signifier la mer elle-même. Il y a un contraste piquant entre ces deux fautes d’orthographe, dans deux éditions successives, l’une améliorée, faite à loisir et définitive, et cet apparat prétentieux de pure transcription des noms propres. Mais tout de même, si j’avais été l’éditeur de Leconte de Lisle, le jour que Leconte de Lisle m’aurait apporté un poème comme celui-là, je me serais efforcé de ne pas lui faire des fautes d’orthographe.]

Porché me pardonnera d’avoir introduit ici le texte, ou l’un des textes les plus éminents, de l’invocation, de la lamentation, de la supplication antique. C’est lui qui m’y a forcé, en prenant pour son poème ce titre : les suppliants. On sait qu’il avait d’abord donné à ce poème ce titre : l’icône, qui nous acheminait tout doucement à en faire un cahier de Noël. Mais ressaisissant sa vision, et substituant à une image physique et morale centrale une idée plus profonde encore, il ne tarda point à donner au poème que nous publions ce titre essentiel, qui ne commande pas seulement son poème, qui commande aussi bien tout le cahier, qui commande, qui exprime toute la réalité même : les suppliants. Et sui-