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grande joie et d’amusement, de Polyeucte, tragédie chrétienne. Enfin ne disons-nous pas nous-mêmes Athènes, Rome, le sénat, ce qui est presque un nom propre, un triumvirat, ce qui est presque aussi un nom propre.

Et le grand Racine, de ce qu’il disait Andromaque, Oreste, Hermione, et de ce qu’il a nommé Phèdre son immortelle Phèdre, n’en a-t-il pas moins eu de l’antiquité hellénique une divination, une pénétration presque invraisemblable.

Et quand nous disons le ciel, quelle différence avec οὐρανός, et même avec caelum. Et au contraire sommes-nous beaucoup plus près quand nous disons des Paians que quand nous disons des péans. Au fond, ce n’est ni l’un ni l’autre ; ce sont des παιάνες.

Et le grand Leconte de Lisle, quand il ouvrait pour son propre compte, il savait parfaitement ce qu’il avait à faire. Il savait quand il fallait traduire tout à fait dans le langage le plus commun, transcrire au contraire purement, ou traduire à moitié ; il connaissait toutes les nuances intercalaires. Je n’en veux pour témoin que ce poème antique, cette si parfaite et admirable invocation à la Vénus de Milo. Et quand ce ne serait que ce titre : Vénus de Milo : quelle concession à l’usage le plus commun. Je cite entièrement cette invocation parce qu’elle présente précisément tous les degrés souhaitables de la transcription pure à la traduction ordinaire pour les noms propres et demi-communs, et aussi, dans un autre sens, tous les degrés souhaitables du pur nom propre au nom communément commun. Je la cite entièrement surtout parce que lorsque l’on a parlé aussi longtemps d’un grand poète il faut, à moins d’être soi-même un béotien, finir par une citation de lui, par un poème