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Un exemple fera saisir toute la différence : quand on traduisait Ἀφροδίτη en Vénus, on commettait ce contresens ; mais il ne s’en suit nullement qu’il ne soit pas permis de traduire et même qu’il ne faille pas traduire séparément Venus par Vénus, et Ἀφροδίτη par Aphrodite. Et encore Ἡρακλῆς par Héraklès, et le latin Hercules par le français Hercule.

À plus forte raison la difficulté tombe-t-elle partout ailleurs, puisqu’il n’y a point un Homerus latin qui soit le correspondant de l’Ὅμηρος grec et pourtant qui soit autre que cet Ὅμηρος, comme il y a un Jupiter qui est le correspondant de Ζεύς dans une mythologie demi-filiale et demi-parallèle, et qui pourtant est autre que Ζεύς.

La raison, le bon sens, le goût, maître souverain, le goût, maître indéplaçable, l’harmonie, l’homogénéité, la tenue du discours demandent que dans un texte français tout le parler, tout le discours, tout le langage soit français, soit du langage français. Donner et retenir ne vaut : puisque l’on fait tant que de traduire, on ne peut pas, en même temps, traduire et ne traduire pas. Nos anciens, à nous, nos grands Français, allaient très loin dans le sens de la traduction. Émilie, Fulvie, dit le grand Corneille, Évandre, Curiace, Horace.

Regarde le malheur de Brute et de Cassie.

Cela n’empêche point Cinna et les Horaces d’être deux chefs-d’œuvre extraordinaires et deux tragédies presque extraordinairement romaines. — Je dis cela exprès parce que c’est vrai et pour embêter nos modernes exégètes, et l’on m’assure que je n’y réussis que trop. — Je ne parle point de Pompée, de Nicomède, tragédie de