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envoyé vers les demeures Pythiques de Phoibos, afin qu’il demandât et apprît quoi faisant ou quoi disant je sauverais cette cité. Et moi le jour déjà, calculé en comparaison du temps, me peine que fait-il ? car au-delà du convenable il est absent plus long que le temps convenable. Et quand il viendra, à ce moment-là je serais un mauvais, de ne pas faire tout ce que le dieu manifeste.

Relisant ma traduction, je me rends bien compte qu’une telle pauvre traduction, honnête, mais pauvre, justifie abondamment toutes les lâchetés, — j’entends ce mot en un sens presque physique, — tous les relâchements d’un Leconte de Lisle. Et même d’un autre. Il ne faudrait pas lire en effet beaucoup de pages d’un français comme celui-là ; on deviendrait fou avant la catastrophe ; à plus forte raison le malheureux qui se chargerait de l’écrire. C’est la misère commune de toutes les traductions. Quand elles sont courantes, elles ne serrent point le texte. Et quand elles serrent le texte, ou quand elles s’efforcent de le serrer, elles sont illisibles. Et même étant illisibles elles sont encore défectueuses. Même à cette condition, elles n’obtiennent point le repos. Ma pauvre traduction, qui est grotesque presque d’un bout à l’autre, à force de vouloir serrer le texte : pour qui a le texte sous les yeux elle est encore trop lâche elle-même et ne serre pas encore assez le texte. Une traduction qui veut serrer un texte est longue. Ma traduction me paraît à la lecture beaucoup plus longue, plus lente que celle de Leconte de Lisle. Une traduction qui veut serrer un texte est lente. Elle a des reprises, des retours, des remords. Elle