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1o C’était une semaine comme toutes les autres, une semaine ordinaire, un jour très ordinaire.

2o On venait de recevoir le roi d’Espagne. C’était une distraction. Péguy badaud, Péguy peuple, Péguy parisien. Digression sur Paris : Paris ville royale ; peuple de Paris, peuple-roi, le seul qui sache recevoir les rois, qui ait à sa disposition des monuments, un décor plus royal qu’aucune autre ville… Notre-Dame, les Invalides, l’Arc de Triomphe, la Colonne Vendôme, les quatre monuments éternellement monuments..... Digression sur Hugo, poète de Paris et de la gloire de Paris.

3o Donc, on reçoit le roi d’Espagne. Le cortège, gardes municipaux ; vision, merveilleux tableau. En passant, un coup de patte aux universités populaires.

4o Tout s’était bien passé, tout allait rentrer dans le traintrain accoutumé, quand… Ici suspension : la bombe de la rue de Rohan. Impression désagréable, mauvais présage.

5o Enfin le présage se dissipait, quand (ici le véritable effet) arrivent les mauvaises nouvelles d’Allemagne ; on apprend que la guerre est possible, et brusquement, impérieusement, Péguy découvre à cette menace qu’il aime sa patrie.

L’effet de cette chute soudaine, religieuse, de ce balbutiement final, de cet aveu sourd, étouffé, rapide, définitif est prodigieux. Pour qui veut jouir du plaisir littéraire, Péguy n’a rien fait de plus fort. Pour qui veut jouir du plaisir de comprendre, nul texte chez Péguy de plus haute importance. Péguy n’avait jamais pensé qu’en partisan, en fanatique ; tout à coup l’expérience fait jaillir en lui un flot de sentiments