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de baisser, aujourd’hui la situation est la suivante : que Léon Blum le bon apôtre donnerait volontiers onze ans de la vie du patron pour être ailleurs. Il a bien voulu entrer dans l’Humanité pour se faire un nom. À présent que le nom est fait, il voudrait bien sortir, pour utiliser ce nom. Et la situation est aujourd’hui la suivante, que tout le monde à Paris sait, et que tout le monde dit que Léon Blum a depuis de longs mois posé sa candidature à la critique, ou à la chronique littéraire du Temps, qui pourtant n’est point vacante, succession qui n’est pas même ouverte, et qu’il ne dépend heureusement pas de lui de faire ouvrir. De sorte que la situation de Jaurès en dernière analyse est devenue celle-ci : qu’il a mis et qu’il a, aujourd’hui, à la tête de ses services littéraires, s’il y est encore, un homme qui manifeste avec enthousiasme, le seul enthousiasme qu’on lui ait jamais connu, le violent désir qu’il aurait d’être ailleurs, un homme qui fait jouer ses influences, qui fait marcher ses amis, un homme enfin qui au vu et au su de tout Paris donnerait quinze ans et quart de la vie de son patron pour monter de l’Humanité au Temps. Belle situation pour un journal, et point démoralisante.

Ils sont d’ailleurs d’immenses quantités, dans le parti socialiste que l’on nous a fait, qui n’ont jamais vu dans leurs situations socialistes que des marchepieds pour atteindre à des situations bourgeoises, beaucoup plus sérieuses, qui, pour passer dans l’autre camp, n’attendent qu’un moment favorable, qui vendraient toutes les saintes huiles pour être appointés cinq cents francs par mois, qui enfin donneraient cent cinquante-et-un ans de la vie de la cité socialiste pour seulement passer au Figaro.