désolé : Vous savez bien ce que c’est. J’avais mon personnel plein avant de commencer. Il est plus facile d’avoir des collaborateurs que de trouver des commanditaires.
Je le savais de reste. Une dernière poignée de mains. Il monta, lourd, écroulé, dans ce fiacre baladeur. Je ne l’ai jamais revu depuis.
Je n’ai donc jamais pu savoir pourquoi soudain la veille, après un long intervalle et sans crier gare, il était venu me voir à l’imprimerie. Peut-être, au moment de sauter le pas, un regret obscur, et comme un remords sourd. Au moment de quitter à jamais un pays où il avait eu quelque bonheur, et quelque tranquillité de conscience, avant d’entrer dans les marais de la politique, dans les marécages, dans les plaines saumâtres, un dernier regard, une santé dernière, un dernier voyage aux anciens pays de la véritable amitié.
Combien de fois depuis suivant seul ces mêmes routes, printemps, été, automne, hiver, pluie et soleil, boue et poussière, arrosage, ou juste fermeté, combien de fois n’ai-je pas pensé à mon ancien compagnon de voyage ; combien de fois n’ai-je pas pensé à Jaurès, non point comme tout le monde peut y penser, mais comme à un ancien compagnon de route, à un ancien compagnon de marche égaré, parti dans de mauvaises routes, égaré dans les fondrières. C’est dans cet esprit que je l’ai suivi de loin, moi-même reperdu dans la foule, refoulé dans le peuple. C’est dans cet esprit que j’ai assisté à cette longue déchéance, que j’ai suivi, de l’une à l’autre continûment, cette série ininterrompue de capitulations et de complicités ; capitulation par l’amnistie devant la démagogie réactionnaire natio-