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sance de cette réalité se répandait bien de proche en proche ; mais elle se répandait de l’un à l’autre comme une contagion de vie intérieure, de connaissance intérieure, de reconnaissance, presque de réminiscence platonicienne, de certitude antérieure, non comme une communication verbale ordinaire ; en réalité c’était en lui-même que chacun de nous trouvait, recevait, retrouvait la connaissance totale, immédiate, prête, sourde, immobile et toute faite de la menace qui était présente.

L’élargissement, l’épanouissement de cette connaissance qui gagnait de proche en proche n’était point le disséminement poussiéreux discontinu des nouvelles ordinaires par communications verbales ; c’était plutôt une commune reconnaissance intérieure, une connaissance sourde, profonde, un retentissement commun d’un même son ; au premier déclanchement, à la première intonation, tout homme entendait en lui, retrouvait, écoutait, comme familière et connue, cette résonance profonde, cette voix qui n’était pas une voix du dehors, cette voix de mémoire engloutie là et comme amoncelée on ne savait depuis quand ni pourquoi.