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que c’étaient les fêtes qui étaient imaginaires, feintes, que l’enchaînement de cette année pénible n’avait point été brisé, que la semaine qui allait recommencer ressemblerait aux semaines précédentes de la même vie, qu’il faudrait reprendre le collier, que rien de nouveau n’était venu, que ces promenades n’avaient eu aucun sens, que ces dissipations avaient été vaines, que la vie était toujours la même ; cet attentat n’était pas un attentat seulement ; c’était la réapparition des ennuis journaliers que l’on avait omis d’inviter.

C’était surtout la réapparition brusque de la réalité même ; les joies et les délassements avaient été imaginaires ; l’attentat seul était réel, non factice, non bienveillant et bénévole ; comme on attendait anxieux, la respiration coupée, que toutes ces fêtes fussent finies, oppressé, que le roi fût parti, nous déchargeant enfin du soin de sa garde et de l’honneur de sa sécurité ; comme on attendait qu’il fût parti enfin, et qu’il fût arrivé quelque part qui ne fût point chez nous ; qui ne fût point de notre domaine, car aussitôt, immédiatement, tout le monde avait senti que nous avions un domaine, où nous étions responsables ; comme on attendait que tout fût éloigné, le roi, la menace, le malheur, le perpétuel embêtement.

Il fallut revenir à Paris afin de recommencer la semaine ; une ancienne chanson française, que nul aujourd’hui ne sait plus, qui ferait le désespoir de nos modernes antialcoolistes, elle-même commence par les enseignements suivants :

Commençons la semaine
En buvant du bon vin ;